Tara King Th. - Soap Opéra

Take care of you.
You have no reasons to cry.

« Faut pas qu'je gerbe, faut pas qu'je gerbe, faut pas qu'je gerbe. »
Tu t'accroches désespérément, ça remonte, tu redresses la tête.
Tu te roules en boule sur le tapis de bain.
Tu maudis les épidémies.
Pitié.

« Dégage, oiseau de malheur ! »
Tu frissonnes, tu cries comme si un mangeur d'âme était à ta poursuite.
Éviter les parcs, les endroits déserts, cafés.
Éviter les trucs à plumes et à becs.
Ca me rend malade.

« La lumière, allumez la lumière ! JE VOUS EN SUPPLIE !! »
Coupure d'électricité fatale, tu hurles à la mort.
Tu te recroquevilles et tu pleures.
Tu gémis. Tu crèves.
Et tu t'évanouis.

« Faites que ça s'arrête... Faites que ça .. s'arrête... »
Tu te tires les cheveux sans y penser, enfermé dans le placard avec une lampe de poche.
Tremblements incessants, tu te bouches les oreilles.
Tu sursautes et tu cries quand ça éclate.
Stop !

Les hommes ont toujours cherché à se faire peur. Les contes de fées, les histoires d'horreur, les croyances diverses et variées. Les Mangeurs d'Âmes. Le vide intersidéral qui engloutirait tout un monde. Une histoire de fin apocalyptique. Il l'a toujours cherché. Toi, tu es « atteint » de peurs plus... courantes, disons, même si l'aversion envers les chauves ne semble pas très commune. Quelqu'un aurait pu juger normal que tu aies peur de vomir, que tu aies peur des oiseaux, du noir et des orages. Et encore, ce ne sont que les plus prononcées. Tu as toujours stressé pour un rien, stressé parce que tu avais peur d'avoir mal, de faire quelque chose de mal, d'un bruit inquiétant, d'une ombre orpheline qui passe par là. Peureux. Étrange. Solitaire.

Ca te bouffe la vie depuis que t'es gosse, depuis que ton grand frère t'as enfermé dans ta chambre, sans lumière, sans possibilité d'allumer la lumière. C'est même pas la pièce qui t'étouffe ou le fait d'être dans un endroit étroit, c'est le noir. Profond, impossible à percer. Tu ne vois même pas tes mains ou le bout de ton nez. Alors tu as l'impression d'être aveugle, tu t'égosilles après le gouffre qui se forme dans ton ventre, oppressant. Tu n'arrives pas à respirer, tu te contorsionnes. Panique incessante, les larmes qui perlent sur tes joues, tu as l'impression de mourir. Et tu finis par t'évanouir devant la souffrance psychologique que ça t'inflige. Et tu détestes ton frère, tu détestais ton frère pour ça. Parce que ta première phobie, t'estimes que c'est de sa faute.

A huit ans, tout ton monde qui s'effondre. Commence le règne de la terreur mortelle qui ronge ton être.

I don't feel any pleasure.
But I wanted to, you know ?

Fête improvisée par ton frère, tu t'invites. Tu rigoles, tu t'installes entre les jambes d'un mec assis sur le canapé qui ne semble pas être dérangé par ta présence. Ni être dérangé tout court. Ton frère t'avise un regard suspicieux et un sourire moqueur. C'est vrai qu'en quinze années de vie, tu n'as jamais vraiment regardé les filles. L'alcool va bon train, la musique aussi. Enfin, c'est juste une petite fête entre amis. Quelques personnes de confiance. Déconner autour d'une table, t'as jamais sû faire toi. Sois tu restes dans ton coin, sois tu sors ou tu t'enfermes dans ta chambre. Mais, miraculeusement, aujourd'hui, t'as préfèré t'affaler sur un mec que tu ne connais pas et attendre sagement, écoutant les divagations des uns et des autres. Et tu t'enivres doucement sous le regard protecteur de ton fauteuil du moment avec un mauvais pressentiment qui ne s'estompe pas.

On parle de tout et de rien, tu te mets plus que correctement entre les pattes de ce mec, qui, en passant, est vachement mignon. A cet instant, t'as vraiment rien d'une reine. On pourrait plus te comparer à un animal sauvage en manque de caresses. La conversation s'oriente sur l'alcool, le vomi, puis sur la bouffe en général. Ca commence à parler de pipes, puis de sexe. Forcément. Tu te redresses difficilement, pretextant une envie pressante, pas si pretexte que ça, ton ventre faisant des siennes. Et évitant la conversation génante pour toi, puceau et prude de quinze pauvres années, et évitant aussi soigneusement de te ramasser comme une merde contre le sol. Tu titubes jusqu'aux toilettes, t'attirant les foudres d'un sofa peu indulgent qui s'est mit en travers de ta route avec une rapidité affolante. Tu ouvres la porte, tu fais un pas.
Et tu dégueules.

Tu regardes ce que tu viens de rendre, avec toutes les sensations qui s'accrochent à ta personne et tu perds pieds.
Trop tard, t'es foutu. Tu tombes dans les pommes en faisant un vacarme monstre. Tu cherches même pas à t'accrocher, tu veux partir, là, tout de suite. T'effacer. Tu veux arrêter d'exister.